Pour en finir avec les crises de la faim en Afrique de l’Ouest : investir dans l’agriculture familiale
Oxfam exhorte les États d’Afrique de l’Ouest à doubler leurs investissements dans le secteur agricole pour atteindre leur cible de 2014 et à mieux soutenir les exploitations familiales et les communautés rurales afin de rompre le cycle de la faim. Cet appel est lancé alors que sévit la pire crise alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest depuis une décennie et à la veille de la 54ème session de la Commission économique pour l'Afrique.
Dans la plupart des pays de la région, la pauvreté est concentrée dans les zones rurales où les services publics sont insuffisants et où les gouvernements investissent très peu. La production céréalière dans certaines régions du Sahel a chuté d'environ un tiers par rapport à l'année dernière tandis que les prix des denrées ont augmenté de 20 à 30 % au cours des cinq dernières années. Pourtant, les gouvernements ouest-africains ont investi en moyenne 5,3 % de leurs budgets dans le secteur agricole (qui représente plus du tiers de la main d’œuvre) en 2020, soit bien en-deçà de la cible de 10 % à laquelle ils s’étaient engagés à atteindre en 2014 dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA).
« Les gouvernements d'Afrique de l'Ouest doivent respecter leur engagement d’investir en faveur des populations rurales. Ils doivent maintenant redoubler d’efforts pour ne pas laisser ces personnes à la merci des conflits, de la sécheresse, des inondations et des hausses de prix. Les gens ont faim et, une fois de plus, ils ont recours à l'aide humanitaire pour survivre. C’est pourtant simple : pour libérer les populations ouest-africaines de la pauvreté et de la faim, il faut commencer par le milieu rural. », a déclaré Assalama Dawalack Sidi, directrice régionale pour Oxfam en en Afrique de l’Ouest.
14 des 16 pays d'Afrique de l'Ouest n'atteignaient pas en 2020 l'objectif du PDDAA. Parmi ces pays, l’on retrouve les trois plus affectés par la faim et parmi les moins engagés à réduire les inégalités selon le plus récent indice d’Oxfam et Development Finance International :
- Le Nigeria n’investit que 1,7 % de son budget dans le secteur agricole et est le deuxième pays le moins performant en Afrique en matière de lutte contre les inégalités. Le budget de la santé du pays (en pourcentage de son budget global) est le troisième plus faible du monde (3,6 %) et 40 % de sa population n'a pas accès aux services de santé. Le Nigeria compte parmi sa population plus de la moitié (14,5 millions) des personnes affectées par la crise alimentaire dans la région.
- Le Niger consacre 5,4 % de son budget au secteur agricole, tandis que 65 % des personnes pauvres vivent en zone rurale. Le Niger est le second pays le plus affecté par la crise de la faim (3,3 millions de personnes).
- Le Burkina Faso consacre 5,1 % de son budget au secteur agricole tandis que 47,5 % de la population rurale vit dans la pauvreté. Le Burkina Faso est le troisième pays le plus affecté par la faim dans la région avec 2,4 millions de personnes en situation de crise alimentaire et nutritionnelle.
Face aux conflits au Sahel, la part des dépenses de sécurité augmente souvent au détriment des dépenses sociales et de développement. En 2018, les dépenses du secteur de la santé du Mali, du Niger et du Burkina Faso représentaient respectivement 0,8 %, 1,8 % et 1 % des PIB nationaux, soit deux à cinq fois moins que les dépenses du secteur de la sécurité. Face au désœuvrement en milieu rural, les jeunes sont plus enclins à joindre les rangs de groupes armés, alimentant l’insécurité qui à son tour accroît la pauvreté et l’insécurité alimentaire en déplaçant les populations.
Oxfam demande aux États d’Afrique de l’Ouest d’investir massivement dans les communautés rurales, en donnant aux petites exploitations agricoles les moyens de produire et de vendre localement pour renforcer leurs moyens de subsistance, et diminuer le déficit de la production alimentaire chronique.
Les investissements dans les services sociaux de base, tels que la santé, l’éducation et la protection sociale des communautés rurales sont également nécessaires pour renforcer la résilience des communautés face aux chocs et leur redonner espoir en une vie meilleure.
« Les États ouest-africains ont le devoir moral de rompre définitivement ce cycle dévastateur de la faim. Ils doivent investir dans les petites exploitations familiales et fournir des services publics au sein des communautés rurales afin de favoriser la souveraineté alimentaire, le bien-être et la paix parmi les populations », a déclaré Sidi.
- La 54eme session de la Commission économique pour l’Afrique, qui se tiendra du 11 au 17 mai à Dakar, réunit les ministres africains en charge des finances, de la planification et du développement économique et les gouverneurs des banques centrales pour discuter de la relance économique post-COVID-19 sur le continent.
- L’Afrique de l’Ouest fait face à sa pire crise de la faim depuis une décennie selon onze organisations internationales dont Oxfam qui ont sonné l’alerte le 05 avril 2022.
- Le Programme détaillé de développement de l'agriculture africaine (PDDAA) a été conçu dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), pour mettre l'accent sur l'investissement sur trois «piliers» interdépendants susceptibles de faire changer les choses en Afrique: (i) étendre les surfaces sous gestion durable des terres et les systèmes fiables de contrôle de l’eau; (ii) renforcer l’infrastructure rurale et les capacités commerciales en vue d’améliorer l’accès au marché; et (iii) accroître l’approvisionnement alimentaire et réduire la faim.
- L'indice d'engagement de l'Afrique de l'Ouest pour la réduction des inégalités (IERI) de 2021 classe les 15 États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest et la Mauritanie (CEDEAO+) en fonction de leurs politiques en matière de services publics, de fiscalité, de droits des travailleurs, d'agriculture paysanne et de réponse à la pandémie, domaines essentiels pour réduire les inégalités et surmonter la tempête COVID.
- Les 14 pays d’Afrique de l’Ouest qui n’atteignent pas l’objectif PDDA de 10 % des dépenses consacrées au secteur agricole en 2020 sont : le Ghana (1,4%), le Cap-Vert (1,5 %), le Nigeria (1,7 %), la Côte d’Ivoire (2,4 %), le Libéria (2,4 %), la Guinée (3,8 %), le Bénin (4,7 %), le Burkina Faso (5,1 %), le Togo (5,2 %), le Niger (5,4 %), le Sierra Leone (5,5 %), la Mauritanie (6,8 %), le Sénégal (7 %), et la Guinée-Bissao (7,2 %). Les deux pays qui atteignent (et dépassent) l’objectif sont le Mali (11,1 %) et la Gambie 13,8 %). Source : L'indice d'engagement de l'Afrique de l'Ouest pour la réduction des inégalités
- Les données sur la pauvreté en milieu rural au Niger proviennent de la Banque mondiale : The Redistributive Effects of the Fiscal Policy in Mali and Niger.
- Les dépenses sécuritaires en 2018 correspondent à 2,4 % du PIB au Burkina Faso, 3,7 % du PIB du Mali et 3,2 % du PIB du Niger. Consultez le rapport CSAO/OCDE, Sahel à venir : ce qu’aujourd’hui nous apprend de demain.
- Pour le lien entre l’augmentation des dépenses militaires qui se fait au détriment des dépenses sociales et de développement au Sahel, consulter Chaire Sahel de la Ferdi, Étude sur les dépenses de sécurité et leurs effets d’éviction sur le financement des dépenses de développement dans les pays du G5 Sahel, 2021.
Simon Trépanier, au Soudan | simon.trepanier@oxfam.org | +249 99 180 3627 |
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