Le FMI doit abandonner ses exigences d'austérité alors que la crise du coût de la vie fait augmenter la faim et la pauvreté dans le monde

Tuesday 19 April 2022

87 % des prêts COVID-19 du Fonds monétaire international (FMI) imposent aux pays en développement - qui se sont vus refuser l'égalité d'accès aux vaccins et qui sont confrontés à certaines des pires crises humanitaires du monde - de nouvelles mesures d'austérité sévères qui ne feront qu'exacerber la pauvreté et les inégalités.

Une nouvelle analyse d'Oxfam révèle que 13 des 15 programmes de prêts du FMI négociés au cours de la deuxième année de la pandémie imposent de nouvelles mesures d'austérité telles que des taxes sur les denrées alimentaires et le carburant ou des réductions de dépenses qui pourraient mettre en péril des services publics essentiels. Le FMI encourage également 6 autres pays à adopter des mesures similaires.

En 2020, le FMI a déployé des milliards de prêts d'urgence pour aider les pays en développement à faire face à la COVID-19, souvent avec peu ou pas de conditions. Récemment, la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, a exhorté l'Europe à ne pas mettre en danger sa reprise économique avec « la force étouffante de l'austérité ». Pourtant, au cours de l'année écoulée, le FMI est revenu à l'imposition de mesures d'austérité aux pays à faible revenu.

« Cela illustre parfaitement la politique de deux poids, deux mesures du FMI : il met en garde les pays riches contre l'austérité tout en y contraignant les pays plus pauvres. La pandémie n’est pas terminée pour la majeure partie du monde. Les pays pauvres sont les plus touchés par la hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires. Ils ont besoin d'aide pour améliorer l'accès aux services de base et à la protection sociale, et non de conditions dures qui frappent les gens quand ils sont à terre », estime Nabil Abdo, conseiller politique principal d’Oxfam International.

Assalama Dawalak Sidi, directrice régionale d’Oxfam pour l’Afrique de l’Ouest, a quant à elle déclaré : « Dans une région qui regroupe certaines des populations les plus fragiles d’Afrique, l’austérité entrainera la pire crise des inégalités des dernières décennies et perturbera la stabilité politique. Cette ponction massive sur les finances publiques intervient à un moment où la région a perdu l'équivalent de sept millions d'emplois et où le coût de la vie augmente fortement ».

  • En Afrique de l’Ouest, le FMI a, via ses prêts COVID-19, exercé une pression écrasante sur les gouvernements pour les inciter à faire des « coupes budgétaires aveugles » en vue de compenser les pertes économiques dues à la pandémie. En conséquence, 14 des 16 gouvernements de la région prévoient de réduire leurs budgets nationaux d’une somme totale de 69,8 milliards de dollars entre 2022 et 2026. Ainsi, le Burkina Faso réduira son budget de 2,9 milliards de dollars et le Nigeria de 30,6 milliards de dollars.
  • En 2021, le Kenya et le FMI ont convenu d’un programme de prêts de 2,3 milliards de dollars qui prévoit un gel des salaires du secteur public pendant trois ans et une augmentation des taxes sur le gaz de cuisson et les denrées alimentaires. Plus de trois millions de Kenyan·es souffrent gravement de la faim alors que la sécheresse la plus grave des dernières décennies dévaste le pays. Près de la moitié des foyers kenyans sont contraints d’emprunter de la nourriture ou de prendre un crédit pour se nourrir.
  • À l’instar du Cameroun et du Sénégal, neuf pays sont contraints d’imposer ou d’augmenter les taxes sur la valeur ajoutée (TVA) qui concernent souvent les produits de consommation courante comme la nourriture et les vêtements, et frappent le plus durement les personnes en situation de pauvreté.
  • Le Soudan, où près de la moitié de la population vit dans la pauvreté, a été tenu de supprimer les subventions sur les carburants, ce qui aura des conséquences particulièrement graves pour les plus pauvres. Avant la guerre en Ukraine, le pays souffrait déjà de la réduction de l'aide internationale, des difficultés économiques et de la hausse des prix des produits de base comme la nourriture et les médicaments. Plus de 14 millions de personnes (soit environ une personne sur trois) ont besoin d’aide humanitaire et 9,8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire au Soudan qui importe 87 % de son blé de Russie et d’Ukraine.
  • Dix pays, notamment le Kenya et la Namibie, risquent de geler ou de réduire les salaires et les emplois dans le secteur public, ce qui pourrait entrainer une dégradation de la qualité de l'enseignement et une diminution du nombre d'infirmiers/ères et de médecins dans des pays qui manquent déjà de personnel de santé. Au début de la pandémie, la Namibie avait moins de 6 médecins pour 10 000 habitant·es.

Une nouvelle analyse publiée conjointement aujourd’hui par Oxfam et Development Finance International (DFI) révèle que 43 des 55 États membres de l'Union africaine sont confrontés à des réductions des dépenses publiques d'un montant total de 183 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Si ces coupes sont mises en œuvre, ils n’auront probablement aucune chance d'atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies. En 2021, Oxfam a analysé les prêts COVID-19 du FMI et montré que l’institution avait encouragé 33 pays africains à poursuivre la politique d’austérité au lendemain de la crise sanitaire. La pandémie n’est pas terminée, mais ces politiques commencent déjà à se concrétiser dans l’ensemble de l’Afrique.

L'analyse montre également que l'incapacité des gouvernements africains à lutter contre les inégalités - via l’octroi d’aides pour la santé publique et l'éducation et la promotion des droits des travailleurs/euses et d'un système fiscal équitable - les a laissés démunis face à la pandémie de COVID-19. Le FMI a contribué à ces échecs en soutenant systématiquement des politiques destinées à équilibrer les budgets nationaux par des réductions des services publics, des augmentations des impôts payés par les plus pauvres et des mesures visant à affaiblir les droits et la protection des travailleurs/euses. En conséquence, lorsque la pandémie a commencé, 52 % des Africain·es n'avaient pas accès aux soins de santé et 83 % n'avaient aucun dispositif de protection en cas de perte d’emploi ou de maladie.

« Le FMI doit suspendre les conditions d'austérité sur les prêts existants et augmenter l'accès au financement d'urgence. Il devrait encourager les pays à augmenter les impôts sur les plus riches et sur les entreprises pour renflouer les caisses épuisées et réduire les inégalités croissantes. Ça, ce serait un bon conseil », déclare M. Abdo.

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