Les émissions de gaz à effet de serre d’un milliardaire sont un million de fois supérieures à celles d’un·e citoyen·ne ordinaire

Lundi 07 novembre 2022
Au Burkina Faso; Kadigueta Barry est déplacée interne. Elle a fui avec son mari en laissant tout derrière elle. Elle coupe le bois de chauffe qu'elle est allée chercher dans la forêt. Crédit : Samuel Turpin/ Oxfam

Selon Oxfam, les investissements des milliardaires dans des industries polluantes comme les combustibles fossiles et le ciment sont deux fois plus élevés que la moyenne des entreprises de l’indice S&P500. 

Les investissements de seulement 125 milliardaires génèrent chaque année 393 millions de tonnes de CO2e, soit autant d’émissions que la France. À l’échelle individuelle, cela veut dire qu’en moyenne, un milliardaire a une empreinte carbone annuelle un million de fois supérieure à celle des 90 % les plus pauvres de l’humanité.

Le rapport Les milliardaires du carbone : Les émissions liées aux investissements des personnes les plus riches du monde, publié aujourd’hui par Oxfam, est basé sur une étude détaillée des investissements de 125 des milliardaires les plus riches dans certaines des plus grandes multinationales, ainsi que des émissions générées par ces investissements. Ces milliardaires cumulent collectivement 2 400 milliards de dollars de capitaux propres dans 183 entreprises.

D’après le rapport, les investissements de ces milliardaires génèrent en moyenne chaque année 3 millions de tonnes de CO2e par personne, ce qui représente plus d’un million de fois la moyenne annuelle des 90 % les plus pauvres de l’humanité qui émettent 2,76 tonnes.

Les chiffres réels sont probablement encore plus élevés car il a été démontré que les entreprises sous-estiment systématiquement leur empreinte carbone réelle dans leurs communications. En outre, il est probable que les milliardaires et les entreprises qui ne publient pas leurs émissions (et qui par conséquent ne sont pas inclus dans notre étude) aient une empreinte carbone particulièrement élevée.

Nafkote Dabi, responsable des politiques relatives au changement climatique à Oxfam, déclare : « Les investissements de ce petit groupe de milliardaires génèrent autant d’émissions de carbone que la population entière de certains pays comme la France, l’Égypte ou l’Argentine. La responsabilité croissante et colossale des riches dans les émissions mondiales de carbone est rarement abordée ou prise en compte dans le choix des politiques climatiques. Il est temps que cela change. Ces investisseurs milliardaires qui trônent aux conseils d’administration des entreprises sont grandement responsables de l’effondrement climatique. Cela fait trop longtemps qu’ils se soustraient à leurs responsabilités.

« Les émissions générées par le train de vie des milliardaires, avec leurs jets privés et leurs yachts, sont des milliers de fois supérieures à celles d'un·e citoyen·ne ordinaire, ce qui est déjà inacceptable. Mais si on prend en compte les émissions générées par leurs investissements, alors leur empreinte carbone est un million de fois plus élevée ».

Les études montrent que, contrairement aux citoyen·nes ordinaires, 70 % des émissions des personnes les plus fortunées du monde sont dues à leurs investissements. Oxfam s’est appuyée sur des données publiques pour calculer les émissions liées aux investissements des milliardaires qui détiennent plus de 10 % des participations dans le capital d’une société. Pour ce faire, elle leur a attribué une part des émissions déclarées par l’entreprise dans laquelle ils ont investi, en fonction de leur participation.

Le rapport a également révélé que les milliardaires concentraient en moyenne 14 % de leurs investissements dans des industries polluantes comme le secteur de l’énergie et le ciment. Ce chiffre est deux fois supérieur à la moyenne des investissements dans les entreprises de l’indice S&P500. Sur l’échantillon, un seul milliardaire avait investi dans une entreprise d’énergie renouvelable. 

« Il faut que la COP27 change la donne et jette la lumière sur le rôle des grandes entreprises et de leurs riches investisseurs, qui tirent profit de la pollution à l’origine de la crise climatique mondiale », estime Nafkote Dabi. « Nous ne devons plus les laisser se dérober ou faire du greenwashing. Il faut que les gouvernements s’attaquent à cette question de toute urgence en publiant les chiffres relatifs aux émissions des plus riches, en instaurant une régulation pour contraindre les investisseurs et les entreprises à réduire drastiquement leurs émissions de carbone et en taxant les riches et les investissements polluants. ».

Les choix d’investissements des milliardaires déterminent l’avenir de notre économie : des investissements dans des infrastructures dépendantes au carbone nous condamnent à des émissions élevées de gaz à effet de serre pendant des décennies. En outre, d’après l’étude, si les milliardaires de l’échantillon transféraient leurs investissements dans un fonds aux normes environnementales et sociales plus strictes, cela pourrait diviser par quatre l’ampleur de leurs émissions.

« Il faut imposer aux ultrariches des taxes et des régulations pour les contraindre à renoncer aux investissements polluants qui détruisent la planète. Les gouvernements doivent aussi mettre en place des lois et des politiques ambitieuses pour obliger les entreprises à avoir une communication plus responsable et plus transparente et à réduire drastiquement leurs émissions », déclare Nafkote Dabi.

D’après nos estimations, l’instauration d’un impôt sur la fortune des ultrariches générerait 1 400 milliards de dollars par an. Cette somme pourrait financer des fonds de première nécessité pour aider les pays en développement (qui souffrent le plus de la crise climatique) à s’adapter, à compenser les pertes et les dommages subis et à mettre en place une transition juste vers les énergies renouvelables. D’après le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), les coûts annuels des mesures d’adaptation dans les pays en développement pourraient s’élever à 300 milliards de dollars d’ici 2030. L'Afrique à elle-seule aura besoin d’environ 600 milliards de dollars entre 2020 et 2030. Oxfam appelle également à une hausse marquée des impôts sur les investissements dans les industries polluantes pour décourager les financements dans ce domaine.

D’après le rapport, de nombreuses entreprises sont loin d’avoir établi des plans de transition climatique. Elles se cachent derrière des systèmes d’élimination ou compensation du carbone peu fiables et irréalistes pour prétendre que leurs plans de lutte contre les changements climatiques pour 2050 atteindront l’objectif « zéro émission nette ». Moins du tiers des 183 entreprises incluses dans notre échantillon ont rejoint l’initiative Science Based Targets. Seules 16 % d’entre elles ont pris un engagement « zéro émission nette ».

À l’approche des délibérations de la COP27, Oxfam préconise les mesures suivantes :

  • Les gouvernements doivent mettre en place des régulations et des politiques qui obligent les entreprises à surveiller et publier les chiffres relatifs aux émissions de gaz à effet de serre (GES) des scopes 1, 2 et 3, fixer des objectifs climatiques basés sur des faits scientifiques et définir une feuille de route claire pour la réduction des émissions. En même temps, ils doivent aussi assurer une transition juste pour s’affranchir de l’économie extractive fortement émettrice de carbone en garantissant de nouveaux moyens de subsistance aux travailleurs et travailleuses et aux communautés concernées.
  • Les gouvernements doivent instaurer un impôt sur la fortune pour les plus riches et imposer une taxe supplémentaire à taux élevé sur les investissements dans les industries polluantes. Cette mesure permettra de réduire le nombre de grandes fortunes dans notre société, ainsi que leur pouvoir, et réduira considérablement leurs émissions. Elle permettra aussi de récolter des milliards de dollars qui pourront être utilisés pour aider les pays à faire face aux impacts brutaux du dérèglement climatique et aux pertes et dommages subis et à financer la transition vers les énergies renouvelables.
  • Les entreprises doivent mettre en place des plans d’action assortis d’échéances pour lutter contre le changement climatique et définir des objectifs à court et à moyen terme conformes aux objectifs mondiaux de lutte contre le changement climatique en vue d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. « Pour réaliser l’objectif mondial de limiter le réchauffement à moins de 1,5 °C, l’humanité doit réduire drastiquement ses émissions de carbone, ce qui nécessite des changements radicaux dans la façon dont les investisseurs et les entreprises mènent leurs affaires, ainsi que dans les politiques publiques. », prévient Nafkote Dabi.
Notes aux rédactions: 
  • Téléchargez le rapport d’Oxfam « Les milliardaires du carbone ».
  • Oxfam a commencé par dresser une liste des 220 personnes les plus riches du monde selon la liste des milliardaires de Bloomberg et a collaboré avec le fournisseur de données Exerica pour identifier a) le pourcentage de participation de ces milliardaires dans des entreprises et b) les émissions de ces entreprises pour les scopes 1 et 2. Pour estimer les portefeuilles d’investissement de chaque milliardaire, nous avons utilisé une analyse Bloomberg qui fournit des ventilations détaillées des sources de richesse des milliardaires. Vous pouvez également consulter la note méthodologique.
  • L’estimation relative aux fonds qui seraient générés grâce à l’instauration d’un impôt sur la fortune des millionnaires, des multimillionnaires et des milliardaires a été calculée grâce à des données publiées par Wealth X et par Forbes.
  • Des données récentes publiées dans une étude conjointe entre Oxfam et le Stockholm Environment Institute (SEI) montrent que les émissions des 1 % les plus riches du monde sont deux fois plus élevées que les émissions de CO2 de la moitié la plus pauvre de la population mondiale et que d’ici 2030, leur empreinte carbone sera 30 fois supérieure à celle compatible avec l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 °C.
  • D'après les normes de comptabilisation des GES établies par le protocole des gaz à effet de serre et largement utilisées à l’échelle mondiale, les émissions associées aux activités d’une entreprise sont réparties dans les trois catégories suivantes, appelées « scopes » : Le scope 1 correspond aux émissions produites directement par les activités d’une entreprise. Le scope 2 correspond aux émissions indirectes (produites ailleurs). Le scope 3 englobe toutes les autres émissions indirectes, des émissions dans les chaînes d’approvisionnement de l’entreprise aux déplacements des employé·es, en passant par l’utilisation des marchandises qu’elle vend par les consommateurs et les consommatrices.
Contact information: 

Florence Ogola au Kenya | florence.ogola@oxfam.org | +254 715115042 et +254733770522 

Sophie Bowell au Royaume-Uni | SBowell@oxfam.org.uk | +44 (0) 7810 814980