Pour en finir avec les crises de la faim en Afrique de l’Ouest : investir dans l’agriculture familiale

Tuesday 10 May 2022
 Inoussa Sawadogo est agriculteur dans la commune de Kaya au Burkina Faso. Crédit photo: Samuel Turpin/ Oxfam

Oxfam exhorte les États d’Afrique de l’Ouest à doubler leurs investissements dans le secteur agricole pour atteindre leur cible de 2014 et à mieux soutenir les exploitations familiales et les communautés rurales afin de rompre le cycle de la faim. Cet appel est lancé alors que sévit la pire crise alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest depuis une décennie et à la veille de la 54ème session de la Commission économique pour l'Afrique.

Dans la plupart des pays de la région, la pauvreté est concentrée dans les zones rurales où les services publics sont insuffisants et où les gouvernements investissent très peu. La production céréalière dans certaines régions du Sahel a chuté d'environ un tiers par rapport à l'année dernière tandis que les prix des denrées ont augmenté de 20 à 30 % au cours des cinq dernières années. Pourtant, les gouvernements ouest-africains ont investi en moyenne 5,3 % de leurs budgets dans le secteur agricole (qui représente plus du tiers de la main d’œuvre) en 2020, soit bien en-deçà de la cible de 10 % à laquelle ils s’étaient engagés à atteindre en 2014 dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA).

« Les gouvernements d'Afrique de l'Ouest doivent respecter leur engagement d’investir en faveur des populations rurales. Ils doivent maintenant redoubler d’efforts pour ne pas laisser ces personnes à la merci des conflits, de la sécheresse, des inondations et des hausses de prix.  Les gens ont faim et, une fois de plus, ils ont recours à l'aide humanitaire pour survivre. C’est pourtant simple : pour libérer les populations ouest-africaines de la pauvreté et de la faim, il faut commencer par le milieu rural. », a déclaré Assalama Dawalack Sidi, directrice régionale pour Oxfam en en Afrique de l’Ouest.

14 des 16 pays d'Afrique de l'Ouest n'atteignaient pas en 2020 l'objectif du PDDAA. Parmi ces pays, l’on retrouve les trois plus affectés par la faim et parmi les moins engagés à réduire les inégalités selon le plus récent indice d’Oxfam et Development Finance International :

  • Le Nigeria n’investit que 1,7 % de son budget dans le secteur agricole et est le deuxième pays le moins performant en Afrique en matière de lutte contre les inégalités. Le budget de la santé du pays (en pourcentage de son budget global) est le troisième plus faible du monde (3,6 %) et 40 % de sa population n'a pas accès aux services de santé. Le Nigeria compte parmi sa population plus de la moitié (14,5 millions) des personnes affectées par la crise alimentaire dans la région.
  • Le Niger consacre 5,4 % de son budget au secteur agricole, tandis que 65 % des personnes pauvres vivent en zone rurale. Le Niger est le second pays le plus affecté par la crise de la faim (3,3 millions de personnes).
  • Le Burkina Faso consacre 5,1 % de son budget au secteur agricole tandis que 47,5 % de la population rurale vit dans la pauvreté. Le Burkina Faso est le troisième pays le plus affecté par la faim dans la région avec 2,4 millions de personnes en situation de crise alimentaire et nutritionnelle.

Face aux conflits au Sahel, la part des dépenses de sécurité augmente souvent au détriment des dépenses sociales et de développement. En 2018, les dépenses du secteur de la santé du Mali, du Niger et du Burkina Faso représentaient respectivement 0,8 %, 1,8 % et 1 % des PIB nationaux, soit deux à cinq fois moins que les dépenses du secteur de la sécurité. Face au désœuvrement en milieu rural, les jeunes sont plus enclins à joindre les rangs de groupes armés, alimentant l’insécurité qui à son tour accroît la pauvreté et l’insécurité alimentaire en déplaçant les populations.

Oxfam demande aux États d’Afrique de l’Ouest d’investir massivement dans les communautés rurales, en donnant aux petites exploitations agricoles les moyens de produire et de vendre localement pour renforcer leurs moyens de subsistance, et diminuer le déficit de la production alimentaire chronique.

Les investissements dans les services sociaux de base, tels que la santé, l’éducation et la protection sociale des communautés rurales sont également nécessaires pour renforcer la résilience des communautés face aux chocs et leur redonner espoir en une vie meilleure.

« Les États ouest-africains ont le devoir moral de rompre définitivement ce cycle dévastateur de la faim. Ils doivent investir dans les petites exploitations familiales et fournir des services publics au sein des communautés rurales afin de favoriser la souveraineté alimentaire, le bien-être et la paix parmi les populations », a déclaré Sidi.

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