Droits des femmes au Burkina Faso : une amazone sur son cheval de bataille
Pionnière du monde communautaire depuis son jeune âge, éducatrice sociale, Marceline Tou Soalla, 47 ans, travaille sans relâche pour faire progresser la justice sociale et l’égalité pour le bien-être des femmes et des filles dans son pays, le Burkina Faso.
« La discrimination envers les femmes décourage celles-ci de démarrer une entreprise et les force à accepter des emplois précaires et souvent mal rémunérés. Elle restreint leur accès aux actifs économiques tels que la terre et le crédit, réduit l’accès des femmes et des jeunes filles à l’éducation et les contraint à dépendre uniquement des hommes » explique-t-elle.
Au Burkina Faso, la persistance de normes sociales et pratiques culturelles néfastes entrave encore la bonne application des textes et des lois votées en faveur des droits des femmes. Par exemple, selon une étude pays –SIGI-Burkina Faso de 2018, plus d’une femme sur trois (37 %) a été victime de violence domestique au cours de sa vie, contre un homme sur cinq (16 %). La loi interdit toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles, mais la violence conjugale n’est pas criminalisée. En cause, des normes sociales qui font qu’un tiers de la population déclare qu’un homme peut battre sa femme pour une raison ou une autre. Nonobstant les avancées, force est de constater que plusieurs obstacles restreignent encore l’épanouissement des femmes et des filles au Burkina Faso.
Cette condition des femmes peu reluisante est accentuée par un contexte sécuritaire et économique complexe qui est un frein à la promotion et à la protection des droits humains et en particulier ceux de la femme. Par exemple, l'insécurité mène à la fermeture de nombreux services de santé fermés tandis que d'autres deviennent saturés. De longues heures d’attente, une pénurie des médicaments essentiels dans certaines localités et l’incapacité de nombreux ménages pauvres à payer les consultations compromet l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive des femmes, selon un rapport d’Oxfam sur les femmes dans la crise de mai 2020.
« Au sein de leur proche entourage, les femmes sont victimes de violences physiques, psychologiques, de viols, de violences domestiques, d’abus sexuels, etc. Cette situation limite leur participation à la vie conjugale et à la prise de décision au sein de la famille. À cela s’ajoutent les troubles mentaux liés aux stress, à la faible estime de soi et à la charge de travail » explique Marceline.
Face à cela, Marceline, avec d’autres femmes et jeunes filles, ont nourrit l’idée de se réunir en association en 2001, en vue de contribuer à promouvoir et protéger les droits et la dignité de la femme et de la fille. Représentante de cette association appelée Action communautaire pour le bien-être de l’enfant et de la femme au Burkina Faso (ABEFAB), partenaire d’Oxfam au Burkina Faso, ce n’est pas sans difficulté que Marceline se bat corps et âme pour atteindre ses objectifs. « C’est difficile, car certains membres se démoralisent parce qu’ils ne comprennent pas l’engagement communautaire. En s’engageant, ils ne comprennent pas que c’est un don de soi. Beaucoup pensent d’abord à l’argent. » Malgré tout, Marceline reste convaincue qu’elle est sur la bonne voie. Avec son équipe et l’accompagnement d’Oxfam, elle a entrepris de mener à bien depuis 2019 un projet d’accélération des actions préventives et pour l’élimination des violences basées sur le genre (VBG) dans la région du Centre au profit de 1911 femmes et jeunes filles.
« Dans ce projet, nous formons 40 femmes leaders sur les VBG et la santé sexuelle et reproductive ; les femmes formées sont responsabilisées pour mener sur le terrain des activités de sensibilisation et de conscientisation sur les VBG et les droits des femmes. Leur implication permet à ces dernières de défendre elles-mêmes leurs droits ».
Pour Marceline, tout ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle identifie les femmes et les filles victimes et survivantes de violences pour mener avec elles différentes activités telles que des prises en charge sanitaire, psychosociale et juridique, des visites à domicile et l’animation de groupes de parole. Et ce, tout en leur donnant une formation professionnelle en teinture, tissage et tricotage de pagnes traditionnels dans son centre de formation, devenue opérationnel aujourd’hui grâce au soutien d’Oxfam.
C’est avec satisfaction qu’elle en voit déjà les bénéfices : « les femmes des groupements féminins impliquées dans le projet intègrent les activités de défense de droits des femmes dans leurs activités quotidiennes.»
Tout ce combat, Marceline le mène par amour pour ses sœurs, ses filles, ses mères, victimes de violences. « Je désire qu’elles prennent conscience des types de violences et les sanctions prévues par la loi » termine-t-elle. L’engagement de Marceline lui a valu des reconnaissances de mérite dans son pays et lui a permis de participer à des rencontres de haut niveau.
Selon le rapport sur le développement humain en Afrique, les inégalités de genre, les violences faites aux femmes et aux filles (VFFF) et les opportunités manquées d’inclusions sociales, économiques et politiques des femmes et des filles nuisent au potentiel de développement des pays et compromettent l’atteinte des objectifs de développement durable (PNUD, 2016). Dans ce contexte, Oxfam au Burkina met en œuvre le projet « Voix et leadership des femmes », financé par Affaires mondiales Canada. Le projet vise à aider les organisations et mouvements locaux de femmes à renforcer leur gestion et leur viabilité, de même qu’à renforcer le pouvoir des femmes et des filles, afin qu’elles jouissent de leurs droits humains dans un monde plus égalitaire. Le projet vise également à accroître l’efficacité des plateformes, des réseaux et des alliances de défense des droits des femmes au niveau infranational, national et international, afin de faire changer les politiques sexospécifiques et contribuer à leur mise en œuvre. Le projet à terme doit financer 62 organisations de défenses des droits des femmes pour une durée de 5 ans (mars 2019 à mars 2024) et doit atteindre directement 16 800 bénéficiaires, dont 10 920 femmes et jeunes femmes.