L'aide des pays riches à l'Afrique de l'Ouest pour faire face au changement climatique est insuffisante et aggrave dangereusement les niveaux d’endettement

Tuesday 27 September 2022
Haoua Ali, éleveuse dans la province du lac Chad, qui subit les conséquences de la crise climatique à laquelle elle a très peu contribué. Crédit:  Liga Nassandou/ Oxfam

Les pays riches et les bailleurs multilatéraux n'ont jusqu'à présent mobilisé que 7 % des 198,88 milliards de dollars estimés dont les pays d'Afrique de l'Ouest ont besoin d'ici à 2030 pour faire face à la crise climatique et poursuivre leur propre développement vert.

Selon la nouvelle étude d'Oxfam publiée aujourd’hui, Les financements climat en Afrique de l’Ouest, 62% des 11,7 milliards de dollars déclarés par les bailleurs entre 2013 et 2019 ont été principalement sous forme de prêts, qui devront être remboursés, la plupart avec des intérêts, aggravant la crise de la dette dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest.

Le financement du climat est une question très controversée qui menace à nouveau le succès des négociations cruciales de la CCNUCC sur le climat qui se tiendra en Égypte en novembre prochain. Oxfam et une centaine d'organisations de la société civile africaine s'inquiètent du fait que les pays africains arriveront au sommet sans la confiance que les bailleurs honoreront leurs promesses répétées de mobiliser 100 milliards par an pour l'action climatique dans les pays en développement (un objectif qui a été manqué de 16,7 milliards de dollars en 2020).

Ces organisations appellent les pays riches - historiquement responsables du changement climatique - à assumer leur juste part pour aider la région à affronter l’escalade de crises climatiques qui frappent le continent africain.

Le rapport prévient que les pays riches ont de plus en plus recours aux prêts pour aider les pays d'Afrique de l'Ouest à faire face aux changements climatiques. Entre 2013 et 2019 ceux-ci ont augmenté de 610 %, passant de 243 millions de dollars à 1,74 milliards de dollars. En comparaison, les dons ont seulement augmenté de 79%. Parmi les bailleurs qui ont le plus recours aux prêts en proportion de leur financement climatique total, on retrouve la Banque mondiale (94%), la France (94%), le Japon (84%), la Banque africaine de développement (BAD) (83%) et la Banque européenne d'investissement (BEI) (79%).

« À l’heure où l’Afrique de l’Ouest subit de plein fouet les crises climatiques, sécuritaires et de la faim, ces flux financiers sont nettement insuffisants et ne correspondent pas à ce qui avait été promis. Plusieurs sont des prêts qui réduisent en fait la capacité des pays à faire face au changement climatique. La plupart des pays tombent dans la spirale de la dette et de la pauvreté, ce qui va à l'encontre de l'esprit de la justice climatique. Les conséquences sont désastreuses pour des millions de personnes qui paient le prix des impacts du changement climatique sans en être responsables », a déclaré Assalama Dawalack Sidi, directrice régionale d'Oxfam en Afrique de l'Ouest et du Centre.

Les conséquences sur l’endettement et la capacité des pays à assurer les services de base aux populations confrontés à de multiples crises sont bien réelles. Par exemple :

  • Bien que le Niger (7ème pays le plus vulnérable au monde aux changements climatiques), le Mali (13ème plus vulnérable) et le Burkina Faso (24ème plus vulnérable) soient tous confrontés à un risque de surendettement, ils ont reçu une part très importante de financement climat sous forme de prêts de dettes : 51 %, 43 % et 41 %, respectivement. Ces pays sont déjà poussés dans une nouvelle vague de mesures d’austérité par le FMI et prévoient des coupes budgétaires combinées de 7,2 milliards de dollars d’ici à 2026 qui limiteront davantage leurs capacités d’investissement dans des services publics de qualité et la protection de leurs populations.
  • Le Ghana reçoit actuellement 40 % de son financement climat sous forme de prêts et de dettes, bien qu'il soit déjà un pays à haut risque de surendettement. En 2019, le Ghana dépensait 55 fois plus pour le service de la dette qu’en agriculture. Il prévoit des coupes budgétaires de 23,3 milliards de dollars d’ici à 2026.

Oxfam estime que le financement en Afrique de l'Ouest devrait prioriser le soutien aux mesures d'adaptation, plutôt que d'atténuation, étant donné que la région contribue très peu aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or, il existe un écart de 82 % entre le financement de l'adaptation déclaré en 2019 et les besoins exprimés par les pays de l’Afrique de l'Ouest.

Le Tchad, qui est le pays le plus vulnérable et le moins préparé au monde au changement climatique, a le plus grand déficit de financement pour l’adaptation avec 95 % de ses besoins financiers qui ne sont pas couverts (1,49 milliard sur 1,57 milliard par année) d'ici à 2030.

Ces résultats sont d'autant plus alarmants que la faim augmente à un rythme sans précédent dans la région, en partie à cause des sécheresses qui deviennent plus fréquentes et plus graves à mesure que les précipitations deviennent plus irrégulières et imprévisibles.

Il y a eu une augmentation de 154 % du nombre de personnes se trouvant désormais en situation d'insécurité alimentaire entre mars et mai 2022 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes (2017-2021).

"Nous exigeons de tous les bailleurs qu'ils augmentent de toute urgence leur financement climatique et qu'ils honorent leurs promesses. Ces fonds doivent être versés sous forme de subventions et non de prêts et doivent répondre aux priorités et aux besoins d'adaptation des pays bénéficiaires et de leurs communautés", a déclaré madame Sidi.

Les recommandations du rapport vont dans le sens de la récente déclaration commune de deux douzaines de dirigeants africains réunis au début du mois lors d'un forum au Caire, où ils ont exhorté les pays les plus riches à respecter leurs promesses d'aide afin que le continent puisse s'attaquer aux effets du changement climatique, dont il n'est guère responsable.

Ce rapport est publié en amont de caravanes citoyennes organisées par une centaine d’organisations de la société civile africaine, dont Oxfam, qui traverseront 23 pays du continent jusqu'en Égypte. Les caravanes mobiliseront les communautés et les décideurs politiques tout au long de leur parcours pour mettre en lumière les dommages que le changement climatique cause à l'Afrique et exiger plus de justice dans le financement du climat.

 « Tandis que l’Afrique se réchauffe, les communautés africaines s’échauffent. Aujourd’hui, elles s’unissent pour réclamer haut et fort plus de justice climatique. La communauté internationale, et les pays riches en particulier, doivent entendre urgemment cette clameur », conclue Assalama Dawalack Sidi

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