Marie Noudjougoto lors d’une séance de sensibilisation à Paoua. Crédit photo: Evy Biramocko/ Oxfam

Parole aux partenaires : Insécurité et faim, une double menace qui plane sur Paoua

Nous vous emmenons à Paoua, dans le nord-ouest de la République Centrafricaine (RCA), connue comme étant le bassin de la production des céréales et légumineuses en RCA. Ses habitants souffrent depuis plusieurs années des conséquences de l’insécurité qui persiste encore. Pour ces populations vulnérables, chaque jour est un combat pour la survie face aux défis sécuritaires et à la menace grandissante de la faim. 

NOUDJOUGOTO Marie (NM) est la présidente de FARDEP, la Fédération des Acteurs Ruraux pour le Développement Economique de Paoua qui est une organisation qui lutte en faveur de l’autonomisation des producteurs et productrices dans les 8 communes de la sous-préfecture de Paoua. Elle nous parle de son organisation et son implication dans la lutte contre la faim.


Question : Dans la région de Paoua, 48,82% des ménages soit 30.011 personnes font face à la faim. Qu’est-ce qui explique cette situation?
NM: La situation de la faim est une préoccupation majeure pour la population de Paoua. Les déplacements des populations observés dans certaines zones suite aux attaques des groupes armés accentuent la vulnérabilité des ménages. Chaque jour, la population de Paoua augmente avec l’arrivée des personnes déplacées internes. La crise sécuritaire infernale et sans fin oblige des personnes à abandonner leur village pour venir survivre à Paoua et ses environs dans un état de pauvreté extrême. Parmi eux, certains n’ont même pas d’abris ou de quoi manger. La communauté hôte déjà vulnérable n’est pas en mesure de leur assurer le minimum alimentaire. 
L’insécurité qui persiste encore dans la région empêche aussi les agriculteurs de cultiver assez de superficies ou les expose à la perte des récoltes à cause des déplacements forcés ou des pillages.  À cela s’ajoute les conséquences du changement climatique qui ont bouleversé le calendrier de production agricole. Enfin, l’usage des mines (engins explosifs) sur les axes empêche la population d’aller cultiver. Tous ces facteurs maintiennent la population dans une dépendance à l’aide alimentaire et les condamnent à vivre une crise alimentaire sans précédent.

   

Question : Quelles sont les actions que FARDEP mène pour lutter contre la faim dans cette région de la RCA?
NM:
Avec l’appui d’Oxfam, nous avons mené beaucoup d’activités. On a reçu de l’aide à travers la distribution de semences, de matériels agricoles et de formations mais également grâce à la construction des magasins pour stocker et vendre nos produits. Cela permet d’appuyer les agriculteurs et agricultrices dans la production de nourriture en quantité suffisante et de façon durable.
Au-delà du soutien agricole, nous avons aussi pu mener des activités génératrices de revenus (AGR) notamment dans le domaine de l’alphabétisation, grâce notamment à la construction d’un centre d’alphabétisation où nos membres apprennent à lire, à écrire et à calculer. 
Nous avons également reçu du cash et des vivres en période de soudure pour les ménages les plus vulnérables.

 

Question : Qu’est-ce qui peut et doit encore être fait pour que les personnes vulnérables ne soient pas exposées à de pires niveaux de faim? 
NM:
Il faut continuer à distribuer aux familles vulnérables des vivres, notamment en cette période de travaux champêtres. 

Les AGRs destinées aux femmes soulagent beaucoup les familles, c’est pourquoi c’est très important qu’elles puissent continuer car cela rend possible l’autonomisation et la gestion équitable dans le foyer.  De ce fait, il faut appuyer ces femmes à mieux développer leurs activités. 
Aussi, on déplore un manque d’accompagnement de l’Etat ce qui nous oblige à faire avec les moyens du bord et avec un budget très faible. Pour relever le défi de la crise alimentaire, il nous faut donc un appui constant de la part du gouvernement et des acteurs qui œuvrent dans le domaine de l’humanitaire et du développement.
Enfin, il faut travailler avec les organisations nationales pour le retour de la paix, ce qui permettra le développement économique de la zone.

 

Question : Comment la fermeture de la base d’Oxfam à Paoua pourrait impacter ou aggraver la situation de la faim?
NM :
Depuis son arrivée à Paoua, Oxfam a fourni un grand appui aux populations, l’impact de son intervention est très visible dans les villages touchés et nous souhaitons que l’organisation continue à en toucher d’autres car les besoins sont très importants et considérables. Oxfam est un des plus grands acteurs humanitaires à Paoua, nous ne voyons pas d’autres organisations qui sera en mesure d’assurer le gap après un éventuel départ d’Oxfam.  

FARDEP est présente dans les 8 communes de Lim Péndé. Sur les 8 Communes, Oxfam en a touché 4 à ce jour. Les membres des autres communes nous demandent et nous leurs disons ˝on espère qu’Oxfam arrivera un jour chez eux˝. Mais si Oxfam quitte la ville, je pense que la population souffrira, surtout à cause de la crise de la faim. Nous continuons à accueillir des personnes déplacées qui arrivent quotidiennement. Ces personnes ont besoin d’assistance et de protection car depuis le départ de MSF de Paoua, seules deux organisations, dont Oxfam, œuvrent dans le domaine de la protection et j’imagine déjà la suite pour ces milliers de femmes victimes des violences basées sur le genre. Beaucoup de besoins restent à combler et si Oxfam quitte précocement la région, cela aura un impact négatif sur la population, aggravera la situation de la faim et augmentera le risque des violences faites aux femmes et aux filles au sein de la communauté.