L’ère des inégalités en matière d’émissions de carbone

Sécheresse en Mauritanie. Crédit: Sylvain Cherkaoui/Oxfam
L’élite des 1 % les plus riches a émis deux fois plus d’émissions que la moitié la plus pauvre de l’humanité.

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En 1990, l’humanité est entrée dans une nouvelle ère mondiale.

Entre 1990 et 2015, nous avons émis autant de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère que dans toute l’histoire de l’humanité.

Dans notre nouveau rapport, Combattre les inégalités des émissions de CO2, nous montrons les inégalités criantes liées à la responsabilité de cette croissance rapide des émissions de carbone. Pendant cette période, les 10 % les plus riches ont généré autant d’émissions polluantes que le reste du monde.

L’Afrique de l’Ouest subi de plein fouet les conséquences de ces inégalités. Aujourd’hui au Sahel, les émissions de dioxyde de carbone par habitant sont environ six fois inférieures à la moyenne mondiale. Pourtant, Les températures du Sahel grimpent 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale.

Et les pays du Sahel verront une augmentation de plus de 10% de la population tombant sous le seuil de pauvreté si on ne fait rien pour lutter contre la crise climatique et les inégalités au cours des dix prochaines années.

Nous vivons à l’ère des inégalités extrêmes en matière d’émissions de carbone.

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Qui sont les 10 % les plus riches ?

Si votre revenu net annuel est supérieur à 38 000 $, vous faites sans doute partie des 10 % les plus riches au monde. (Découvrez à quoi correspond cette somme dans votre monnaie ici.)

Ces 10 % les plus riches – environ 630 millions de personnes au moment de l’étude – vivent dans tous les continents, et chaque pays du monde compte des communautés aisées. Une proportion importante des populations d’Amérique du Nord et d’Europe compte parmi ce groupe démographique. En revanche, très peu de personnes habitant dans les régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine figurent sur la liste mondiale des 10 % les plus riches.

Les émissions des plus riches sont en grande partie imputables au fait qu’ils prennent l’avion plus souvent, achètent des voitures plus polluantes, comme des SUV, et les conduisent sur de plus grandes distances. Elles sont souvent appelées « émissions liées au mode de vie ».

En outre, de nombreuses émissions que nous produisons sont « intégrées », c’est-à-dire qu’elles sont imputables au fait que nous vivons dans un monde qui dépend encore des énergies fossiles. Dans les climats plus froids par exemple, les gens ont besoin de chauffer leur maison, et le gaz reste l’option la plus accessible. Nous pouvons faire des choix respectueux du climat en matière d’alimentation, d’habillement et de technologie – mais tous ont un certain coût carbone.

Chaque personne doit donc agir individuellement, mais il faut aussi changer le système de manière radicale si nous voulons vraiment lutter contre les inégalités en matière d’émissions.

Pourquoi maintenant ?

Il nous reste peu de temps. Il y a une limite à la quantité totale de carbone que nous pouvons émettre dans l’atmosphère. Si nous dépassons cette limite en épuisant ce qu’on appelle le « budget carbone », cela déclenchera un réchauffement planétaire incontrôlé auquel nous ne pourrons plus remédier. C’est comme si nous remplissions une baignoire – il reste encore un peu de marge avant que l’eau ne déborde, mais il faut fermer le robinet dès maintenant.

Au cours des dernières décennies, cette « marge » restante aurait pu être utilisée pour sortir toute l’humanité de la pauvreté et lui permettre d’atteindre un niveau de vie décent. Par exemple nous aurions pu ajouter quelques émissions de carbone en donnant accès au réseau électrique à des populations pauvres en attendant de faire la transition complète vers les énergies renouvelables.

Au lieu de cela, les personnes déjà riches ont dépensé notre budget carbone en achetant des biens et services de luxe à forte empreinte carbone. Si nous continuons dans cette veine, nous épuiserons notre budget carbone dans les dix prochaines années. Les inégalités en matière d’émissions de carbone précipitent le monde vers une catastrophe climatique.

Alors, qu’est-ce qu’on peut faire ?

Pour revenir à l’analogie du bain – tout comme chaque goutte d’eau augmente le risque de débordement, chaque tonne de carbone compte et risque de nous amener vers une catastrophe climatique.

Comme chaque tonne compte, il y a encore de l’espoir et nous avons tou-te-s, individuellement et collectivement, un rôle à jouer. La pandémie de COVID-19 nous a montré – douloureusement et injustement, mais de façon décisive néanmoins – que des changements énormes sont possibles quand ils sont nécessaires. Le trafic aérien s’est arrêté, de nouvelles pistes cyclables sont apparues dans les villes et le travail à domicile a permis de réduire les embouteillages. Les gouvernements et les entreprises ont montré qu’ils pouvaient prendre des mesures radicales quand il n’y a pas d’autre choix.

Alors que nous entamons les efforts de relèvement de la pandémie de COVID-19, les gouvernements et les insitutions régionales doivent agir dès maintenant pour réduire les émissions des plus riches et augmenter le soutien aux plus pauvres. Ils doivent adopter de nouvelles politiques d'investissement agricole, économique et énergétique priorisant

1) l’agriculture familiale et l’agroécologie comme modèles de production durable ;

2)  l’utilisation généralisée des énergies renouvelables ;

3) le durcissement des règlementations de l’exploitation minière et fossile pour garantir les droits des populations autochtones et réduire les impacts sur l’environnement et l’écosystème.

En considérant la situation dans son ensemble, il est clair que nous devons profondément modifier la façon dont nous mesurons la réussite économique. Il faut tirer les leçons des dernières décennies et accorder la priorité à la solidarité, à la durabilité, à la santé et au bien-être, au lieu de poursuivre une croissance économique effrénée.

L’année 2020 doit marquer la fin de l’ère des inégalités en matière d’émissions de carbone. Il n’appartient qu’à nous de définir les prochaines décennies – l’ère post-COVID.

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