Syntyche Ouedraogo, est membre de l’équipe de communication humanitaire d’Oxfam au Burkina Faso. Elle nous livre son regard de travailleuse humanitaire, dans un pays meurtri par une succession de crises. Aujourd’hui, la pandémie de coronavirus est une nouvelle menace à affronter. Et pourtant, personne ne se résigne.
« Mon cri du cœur : pouvoir agir pour aider mes sœurs Burkinabés en détresse »
Mon petit pays d’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso, nom signifiant littéralement « Pays des hommes intègres » a basculé dans la violence et fait face à une crise humanitaire sans précédent. Depuis, chaque jour des attaques des groupes armés sèment la terreur parmi la population. Des centaines de milliers de compatriotes, que l’on comptera bientôt en million, ont dû fuir leur foyer, laissant tout derrière eux.
Ma vie a soudainement changé et c’est dans cette crise que je suis devenue travailleuse humanitaire avec Oxfam, partant à la rencontre de celles et ceux qui deviendront « ma deuxième famille », recueillant leurs histoires, leurs témoignages, je porte leurs voix et leurs mémoires.
La première fois que j’ai mis les pieds dans une zone dangereuse, « mon cœur est tombé dans mon ventre ». Mais depuis ce jour, je sais que je suis faite pour ce métier. Je sais que chaque pas vers l’inconnu peut être le dernier mais je veux aider mes sœurs, mes filles, mes amies, mon peuple.
Les histoires se ressemblent toutes et sont à la fois toutes différentes. Au Nord, à Barsalogho, j’ai rencontré Rasmata qui m’a confié ses peurs, la psychose a gagné son quotidien, au moindre bruit, au moindre mouvement, elle est terrassée par la peur à en être malade.
A l’insécurité, s’ajoute aujourd’hui la maladie, le coronavirus et je me sens impuissante face à cette nouvelle menace. Le plus grand problème ici c’est le manque d’accès à l’eau, comment se protéger sans eau. En tant qu’humanitaire, je dois les soutenir, mais il y’a des jours où c’est les déplacés eux-mêmes qui me soutiennent, je suis dépassée par les évènements.
La grande majorité des personnes déplacées sont des femmes et des enfants, et ils manquent de tout. Elles s’entassent par dizaine et par vingtaine dans les salles de classes et les tentes, faute d’abris, sans intimité, la peur au ventre. Ces femmes qui ont fui sans aucun pagne et sans habits, sont démunies et n’ont même pas accès à des protections hygiéniques pendant leurs règles.
Pour autant, elles ne se résignent pas. Femmes, jeunes, filles, personnes âgées, toutes vaquent à leurs occupations quotidiennes pour pouvoir manger un peu, leur courage est immense, elles sont animées d’un dynamisme remarquable. Comme me le dit un des chefs de famille sur le site du secteur 4 de Kaya, « ce sont les femmes qui s’occupent de nous ».
En effet, les femmes tricotent soient des habits soient des sacs qu’elles revendent. Elles se soutiennent et ont développé des tontines d’entraide qui leur permettent de s’épauler en cas de problème. Certaines travaillent dans les rizières au bord du barrage tandis que d’autres sont embauchées dans les jardins de maraiche-culture. Les plus âgées d’entre elles, ramassent les débris et les tiges des récoltes dans les champs pour revendre aux éleveurs pendant que d’autres balayent et entassent le sable et le gravier pour vendre aux constructeurs de maisons.
Face à leur détermination, nous ne pouvons pas rester sans agir, elles sont en première ligne et plus d’un million d’entre elles ont besoin d’une aide urgente, une aide que nous ne parvenons pas à apporter aujourd’hui par manque de financement.
Pour en savoir plus, lire le rapport « Les femmes dans la crise au Burkina Faso : survivantes et héroïnes »