Fati Abigail Abdulai est la directrice exécutive de l'association Widows and Orphans Movement (WOM) au Ghana

Le Mouvement des veuves et orphelins (WOM) a été fondé dans la région de l'Upper East au Ghana, en 1993 par Betty Ayagiba, veuve depuis 1988. Elle souhaitait créer un espace sûr pour que les veuves se sentent entendues et comprises.

Parole aux partenaires : Se raccrocher à toute lueur d'espoir pour espérer sauver des vies

Le Mouvement des veuves et orphelins (WOM) a été fondé à Bolgatanga, dans la région de l'Upper East au Ghana, en 1993 par Betty Ayagiba, veuve depuis 1988. Elle souhaitait créer un espace sûr pour que les veuves se sentent entendues et comprises. Cette initiative est née après que Betty, qui était infirmière, ait constaté que les veuves qui se présentaient à l'hôpital étaient pour la plupart suicidaires ou présentaient des problèmes de santé dus à des rites et pratiques de veuvage inhumains. Ces pratiques et rites ont conduit certaines femmes à consommer des concoctions douteuses, les ont exposés aux violences sexuelles, à se sentir obligées de se remarier, etc. Au fil des années, WOM est passé d'une moyenne de 100 veuves au moment de sa création à environ 13 000 veuves, ce qui lui a valu huit prix pour la défense des droits des femmes et des enfants. Fati Abigail Abdulai, aujourd'hui directrice exécutive du mouvement, revient sur les progrès réalisés lors de ces 28 dernières années et les défis qu'elle rencontre encore.

 

Article rédigé par Fati Abigail Abdulai

Briser les stéréotypes

Les veuves sont souvent perçues comme porteuses de malchance, des sorcières ou des mauvais épouses qui ont provoqué la mort de leur conjoint par leur infidélité, leurs reproches, etc. À cause de cela, certaines personnes ridiculisaient cette association de veuves.  On entendait des commentaires méprisants tels que "les veuves aussi forment une association ? Comment est-ce possible ?". Aujourd'hui encore, certains accusent WOM d’encourager les femmes à tuer leurs maris ou de les faire assassiner pour bénéficier de nos programmes ou revendiquer leurs droits.

Un jour, une de nos volontaires nous a rendu un pagne conçu pour la célébration de la Journée internationale des veuves parce que son mari l'a accusée de vouloir le tuer pour pouvoir intégrer une association de veuves. 

En tant qu'organisation, certains chefs et comités traditionnels nous ont ouvertement traités de menteurs, et nous ont demandé de ne pas impliquer les veuves de leurs communautés dans nos programmes. Ils disent que WOM lave le linge sale des communautés en public en mettant en lumière les dysfonctionnements de leurs traditions. Dans certains cas, les autorités locales ont accusé WOM d'inciter les femmes à se rebeller et ne veulent donc plus rien avoir à faire avec nous.

Malgré tout, nous continuons à lutter et à nous adapter aux difficultés rencontrées en restant fidèles à nos valeurs féministes.  Des femmes et des hommes qui, jusqu'à présent, s'opposaient à notre travail sont devenus des alliés après que l'organisation contre laquelle ils s'opposaient les ait soutenus pour obtenir justice lorsque leurs droits étaient bafoués.

Un chef dont l'arrestation a été facilitée par WOM pour avoir ligoté et frappé à coups de bâton une veuve pendant des jours parce qu'elle refusait de l'épouser, est aujourd'hui un ardent défenseur des droits des femmes dans sa communauté.

Toujours privilégier les autres !

Les membres du personnel de WOM qui sont des hommes sont accusés de trahir leurs semblables. On les qualifie de femmes parce qu'ils sont féministes. On dit aux femmes qui ne sont pas mariées qu'aucun homme ne les épousera si elles ne démissionnent pas de leur travail.

Nos collaboratrices, qui sont également des militantes des droits humains, doivent faire face à davantage de défis que leurs collègues hommes. Les survivantes de violences les contactent à toute heure, la nuit, le week-end, etc. pour obtenir de l'aide. En effet, les survivantes se sentent plus à l'aise de se confier à elles. Elles leur font plus confiance qu'aux institutions publiques chargées de promouvoir et de faire respecter les droits des individus. Certains hommes harcèlent sexuellement les femmes qui militent pour les droits des femmes, alors même qu'elles font leur travail. D'autres sont mises sur liste noire simplement parce qu'elles restent fidèles à la cause. Il est ainsi arrivé qu'un fonctionnaire se mette à ignorer certains membres du WOM parce qu'ils avaient signalé à ses supérieurs un cas qu'il n'avait pas traité, même après plusieurs suivis.

Les femmes qui se battent pour les droits humains passent leur temps à s'occuper des autres, à tel point qu'elles ont tendance à négliger leur propre bien-être. Ironiquement, les longues et éprouvantes heures de travail ne sont pas reconnues dans la plupart des cas comme un travail important qui devrait être rémunéré de manière adéquate. Dans d'autres cas, le travail des femmes militantes est peu considéré, avec de faibles compensations et des ressources inadéquates dues aux conditions de certains donateurs. Ce phénomène a entraîné un taux de rotation élevé, les militantes devant faire le choix difficile de suivre leur passion ou de se préoccuper de leur survie et de celle de leur famille.

Une mission sans fin

Le combat que mènent les personnes qui défendent les droits humains est indispensable. Le travail effectué par les femmes défenseurs des droits de l'homme est encore plus important, car la plupart des survivants de violences sont des femmes et elles se sentent plus à l'aise de chercher de l'aide auprès de femmes que comme elles.

Les organisations de femmes qui défendent les droits humains restent essentielles car elles fournissent le cadre idéal pour faire la promotion et la défense des droits de tous, en particulier des femmes. Il est déjà assez difficile de défendre les droits des plus vulnérables, mais les organisations de défense des droits des femmes telles que WOM doivent en plus lutter pour leur propre survie.

Article rédigé par Fati Abigail Abdulai