La violence structurelle menace la vie des femmes !

Article rédigé par l'équipe travaillant pour la Justice de Genre d'Oxfam en Afrique de l'Ouest

 

Encore un 8 mars, le moment de célébrer les accomplissements des femmes et surtout le moment de lutter contre la violence structurelle et d'agir pour plus d'égalité. Nous désignons par violence structurelle la discrimination systémique qui empêche les femmes de subvenir à leurs besoins fondamentaux tels que : l'accès aux soins de santé, une éducation adéquate, la propriété de biens tels que la terre, les droits du travail et la possibilité de trouver un emploi décent. En Afrique de l'Ouest, trop de femmes sont privées de ces droits. La violence structurelle est un fléau qui dévore la société. Elle a un impact sur tous les aspects de la vie des femmes, leur santé, leur vie économique, leur sécurité, ainsi que celle de leurs enfants et de la communauté.

 

Je me présente, Chukua Hatua Kwa Ajili Yangu, "Agissez pour moi". Je suis née dans une petite localité en Afrique de l'Ouest, il y a 37 ans. Ma vie témoigne du poids de la violence structurelle contre les femmes dans cette région. Mes parents sont morts alors que je n'étais qu'un bébé et j'ai été élevée par mon frère aîné, âgé de 24 ans, qui, étant l'homme le plus âgé de la famille, était considéré comme le chef de famille. J'aimais l'école, mais on m'empêchait souvent d'y aller parce qu'il n'y avait pas assez d'argent pour s'occuper de mon éducation et que celle de mon frère était considérée comme prioritaire. On me faisait accomplir des tâches domestiques, comme aller chercher du bois ou nettoyer la maison. J'ai vécu ainsi pendant des années jusqu'à ce que je trouve un emploi de concierge dans une société minière située dans ma localité, mais je recevais un salaire dérisoire comparé à celui de mes collègues hommes, et ce qui me restait après avoir payé mes impôts ne suffisait pas à acheter de quoi manger.

Peu après, je suis tombée amoureuse d'un jeune homme de la ville. Cependant, notre vie de couple s'est rapidement dégradée au moment de la pandémie de Covid-19. J'ai perdu mon emploi et je n'avais plus aucune source de revenus pour soutenir financièrement ma famille. J'ai vécu dans l'extrême pauvreté. Le confinement a aggravé ma situation, car le poids des tâches ménagères a augmenté. J'étais enceinte et il était impossible de recevoir des soins médicaux. J'ai finalement donné naissance à un enfant mort-né à 9 mois.  Plongée dans le deuil, je me sens malade et souffrante alors que le coût de la vie augmente et que les gouvernements ouest-africains poursuivent des politiques d'austérité en réduisant les dépenses publiques de 26,8 milliards de dollars au cours des prochaines années ( 2022-2026). Je ne suis pas en mesure de payer pour de bons services de santé, de posséder des terres, d'avoir un emploi décent et de bénéficier d'un salaire égal à celui des autres. 

Mes expériences témoignent des liens étroits entre le contexte historique et l'expérience vécue au quotidien, en ce qui concerne la violence structurelle à l'encontre des femmes en Afrique de l'Ouest. Cette violence se perpétue de génération en génération.  Nous devrions nous projeter dans le futur et imaginer la situation des femmes et des filles dans la région en mars 2026. La femme ouest-africaine pourra-t-elle bénéficier de services de santé de qualité, accéder à une bonne éducation, posséder des terres, avoir un emploi décent et un salaire égal à celui de ses collègues du sexe opposé ?

Grâce à de nombreux programmes et activités sur les inégalités dans la région ainsi qu'à notre indice d'engagement pour la réduction des inégalités (IERI), qui analyse et classe 158 pays selon leur engagement à réduire les inégalités, nous nous efforçons d'exposer les conséquences de la violence structurelle sur la vie des femmes et des filles en Afrique de l'Ouest.  Selon l’indice IERI de 2021, la pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités de genre en Afrique de l'Ouest et a plongé des millions de femmes dans la pauvreté en raison de leur niveau d'éducation plus faible et de leurs biens moins nombreux. Notre région a perdu l'équivalent de 7 millions d'emplois pendant la pandémie, et les femmes ont été les plus affectées  car elles occupent souvent des emplois précaires et informels. Les femmes, en particulier les ménages dirigés par des femmes, représenteront une grande partie des nouveaux pauvres. La pandémie de COVID-19 a dévoilé les inégalités structurelles qui pénalisent les femmes dans tous les domaines : santé, économie, sécurité et protection sociale.

En matière de droit du travail, un seul pays de la CEDEAO+, le Cap-Vert, se classe bien par rapport aux pays d’Afrique et dans le monde. Les femmes ont besoin de protections particulières pour faciliter leur participation au marché du travail et améliorer leur rémunération (égalité des salaires, non-discrimination, protection contre le viol et le harcèlement sexuel, durée et niveau de l'allocation parentale et salaire minimum équitable). La Guinée-Bissau n'a pas de loi sur l'égalité salariale, le Mali et la Mauritanie n'ont pas de lois sur le harcèlement sexuel, la Sierra Leone est l'un des 10 pays au monde à ne pas avoir de lois sur l'égalité salariale ou la non-discrimination.

NOS GOUVERNEMENTS DOIVENT PASSER À L'ACTION !

L'Afrique de l'Ouest, notre région, est à la croisée des chemins : alors que la pandémie continue d'avoir un impact socio-économique dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance des gens, notre gouvernement va-t-il en tirer des leçons et élaborer des plans de relance qui profitent à tous ou allons-nous perpétuer un système qui profite aux plus riches et aux plus puissants mais pas à la majorité ? L'inégalité n'est pas une fatalité mais la conséquence de choix politiques. Nous pouvons et devons faire les choses différemment.

La pandémie doit inciter les gouvernements des pays, de la région et du monde entier à s'engager dans une relance qui lutte contre les inégalités. Les gouvernements doivent légiférer et imposer l'égalité salariale entre les hommes et les femmes pour un travail égal, la non-discrimination sur le lieu de travail et des lois exhaustives contre le viol et le harcèlement sexuel.

Les pays ne pourront pas atteindre leur plein potentiel tant que les femmes n'auront pas atteint leur épanouissement. Les femmes ne seront pas libérées de la violence tant qu'il n'y aura pas d'égalité, et l'égalité ne peut être atteinte tant que la violence et la menace de violence ne sont pas éliminées de la vie des femmes. Collectivement, nous pouvons... #LuttercontrelaViolenceStructurelle.