Photo prise lors d'une des activités terrain avant l'élection présidentielle de novembre 2020. Crédit : Coalition Agir contre les inégalités

Au Burkina Faso, des activistes luttant contre les inégalités reçoivent une lettre du Président qui peut tout changer

Au Burkina Faso, les ONGs et activistes luttent dans l'ombre depuis des années pour combattre les inégalités qui sont criantes dans ce pays où 20% des plus aisés concentrent 44% des revenus. Et finalement, leur travail semble payer. Le 27 mai dernier, le secrétariat permanent des ONGs (SPONG), recevait une lettre du Président de la République qui sollicitait leur accompagnement dans la formulation et la mise en œuvre d’un programme de création d’emplois pour les jeunes et les femmes. Pour Alassane Bougma, chargé de projets et du plaidoyer au SPONG, cela montre “une volonté de prendre en compte les inégalités dans les différentes opérations à venir du gouvernement burkinabé”. 

Mais comment le SPONG et ses membres en sont-ils arrivés là ?

Tout a commencé lors des dernières élections présidentielles de novembre 2020. Alors que le monde entier était secoué par une des pires pandémies, le pays se préparait à choisir un nouveau chef d’État. Pour plusieurs organisations de la société civile, l’heure d’un réel changement avait sonné. 

Une trentaine d’organisations se sont coalisées sous la bannière “Agir contre les inégalités” pour faire campagne afin d’inciter les candidats à l’élection présidentielle à faire de la thématique des inégalités une priorité dans leurs programmes, débats et discours publics. Il faut dire que dans le pays, en moyenne,  un garçon vivant en milieu urbain a 19 fois plus de chances de finir ses études qu’une fille en milieu rural. Il était primordial de s’assurer que le président élu ferait de la lutte contre les inégalités une de ses priorités. 

Première étape, engager les candidats aux élections

Et ce ne fut pas chose facile. La coalition “Agir contre les inégalités” ne voulait pas simplement récolter des promesses de campagne de la part des candidats à la présidentielle mais plutôt obtenir d’eux un engagement formel à réduire les inégalités. Pour s’y prendre, ils ont rédigé un manifeste avec des recommandations pour réduire les inégalités dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la fiscalité, du changement climatique, de la politique de genre, et plusieurs autres. Cette ressource a ensuite été présentée aux 10 candidats, qui sur le principe étaient tous d’accord.

Parce qu'une action vaut mieux que mille mots, la coalition a invité tous les candidats à venir signer le manifeste devant des journalistes et autres membres de la société civile. Avec ces quelques coups de stylos, ils prouveraient leurs engagements à combattre les inégalités et améliorer les conditions de vie des burkinabés. Neuf candidats sur 10 ont répondu présents.

Deuxième étape, informer la population

Maintenant que les potentiels futurs présidents s’étaient engagés, il était temps de sensibiliser le peuple burkinabé afin qu’ils votent pour le ou la candidat-e qui présente le meilleur programme de lutte contre les inégalités. 

Après avoir analysé les programmes de société de neuf candidats, le laboratoire de la coalition “Agir contre les inégalités” a partagé son évaluation avec le grand public via les réseaux sociaux, en utilisant un système de points et d'émoticônes pour faciliter la compréhension.
 

Pour « ne laisser personne sur le bord du chemin » tel que le slogan de la campagne l’indique, la coalition a ensuite organisé des  rencontres,  des  caravanes,  des  conférences  à  Ouagadougou  et  en  dehors  de  la  capitale,  à  destination  des  femmes,  des jeunes, des journalistes, etc. “Nous avons interpellé la population pour leur dire de voter utile, de voter pour le candidat qui prenait en compte les inégalités. Il ne faut pas donner son vote en échange d’un sac de riz, en un mois le sac fini. Il faut voter pour quelqu'un qui prend en compte les réalités du pays”, explique Issaka Ouedraogo d’Oxfam Burkina Faso, responsable des bénévoles lors de cette campagne.

Le succès de cette ambitieuse campagne n’a pas tardé à se faire voir : deux millions de personnes ont été atteintes en ligne et hors ligne pour réclamer un Burkina débarrassé des inégalités, le Burkina Faso qu’ils méritent.

Troisième étape, tenir les élus redevables

Moins d’un an s'est écoulé depuis l’élection présidentielle et ces organisations de la société civile continuent de travailler sans relâche. Avec cette première demande du président Roch Kaboré, la coalition pourra réellement faire entendre sa voix dans les décisions prises en matière de création d’emplois pour les jeunes et les femmes. C’est un premier succès mais ils savent que le chemin est encore long. Heureusement, ils sont plus motivés que jamais “On a mis en place un dispositif de suivi pour interpeller de manière permanente le gouvernement pour s'assurer qu'il travaille toujours à réduire les inégalités sur tous les plans”, commente Alassane Bougma. 

Au Burkina Faso, Oxfam et ses partenaires continueront à lutter contre les inégalités pour garantir de meilleures conditions de vie à tous les burkinabés.