RÉALITÉ N°1 – Les femmes face à l’arrêt des activités économiques

RÉALITÉ N°1 – Les femmes face à l’arrêt des activités économiques
Auteur-e(s): 
Aurore Mathieu
Date de publication: 
Mercredi 29 juillet 2020

Tiré de l'étude : Les femmes ouest-africaines face à la COVID

RÉALITÉ N°1 – Les femmes face à l’arrêt des activités économiques 

Parce qu’elles occupent les positions les plus vulnérables dans le secteur formel et constituent la majeure partie du secteur informel en Afrique de l’Ouest, les femmes ont été violemment impactées par les conséquences de la pandémie sur les activités économiques.

Les femmes travaillant dans le secteur agricole ont vu leur productivité baisser avec le manque d’accès aux intrants (désherbants, engrais), causé par la fermeture des frontières et la flambée des prix. La forte périssabilité de leurs produits (fruits, légumes, produits laitiers) et le manque d’infrastructures de stockage et de conservation des produits ont provoqué des méventes avec la fermeture des marchés. Dans le secteur de la pêche, les femmes, qui sont les principales actrices de la commercialisation du poisson, n’ont pas pu conserver leurs produits, qui dépendent généralement d’une commercialisation journalière, par manque de logistique. Dans le secteur de l’élevage, les coûts de production ont aussi augmenté avec l’augmentation du prix de l’aliment-bétail et des produits phyto-vétérinaires. La crainte que le virus puisse se transmettre à travers les animaux, ainsi que la fermeture des marchés, ont impacté la vente du bétail et des produits qui en découlent (beurre, fromage, lait). La mise en quarantaine des grandes villes qui sont des pôles de consommation pour le lait ont entraîné d’énormes pertes. Les petites commerçantes ont vu le prix de leurs matières premières (farine, manioc, riz et condiments) augmenter de manière considérable mais n’ont pas pu augmenter leur prix de vente (galettes, beignets) par peur de mévente, créant ainsi un manque à gagner important. Cela a entraîné des difficultés de remboursement des crédits, de respect des contrats et d’obtention des paiements à cause du non-respect des livraisons. En milieu urbain, les travailleuses domestiques, secteur qui échappe aux régulations officielles, ont été particulièrement impactées par la crise : elles ont, dans de nombreux cas, été renvoyées dans la crainte qu’elles ramènent le virus dans le foyer de leur employeur, favorisant ainsi un exode vers les campagnes de travailleuses urbaines appauvries.

Loin de baisser les bras face à la perte de leurs revenus, les femmes se sont organisées afin de faire face à la situation, à travers différents mécanismes d’adaptation aux conséquences parfois négatives. Dans beaucoup de situations, elles ont dû recourir à l’endettement ou à leur épargne, fragilisant ainsi leur futur. Des retraits massifs de l’épargne, dans des mutuelles de crédits et d’épargne au Sénégal, constitués à 80% de femmes sociétaires, ont créé de graves tensions de trésorerie. Au Niger, les femmes ont dû vendre les céréales stockées dans les banques céréalières avant la période de soudure afin de répondre aux besoins de la population, perdant ainsi un bénéfice important et vidant les réserves pour la période de soudure. Les produits issus de l’agriculture ont été bradés, ainsi que les animaux, pour subvenir aux besoins immédiats des foyers. Des techniques de séchage et de transformation des produits périssables ont également été adoptées. En grande majorité, les femmes se sont reconverties dans la production et la vente de masques, de gel hydro-alcoolique, de matériel de protection et de dispositif de lavage de mains. En milieu urbain, surtout au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Nigéria, le développement du commerce numérique et la livraison de produits à domicile ont permis aux commerçantes de continuer leurs activités. 

Au Burkina-Faso, Madame Toe Hazara, Promotrice de la laiterie Café Rio témoigne : « Nous avons perdu 75% de notre marché à cause du confinement de la ville de Bobo Dioulasso. Cette situation est intenable car on ne peut plus supporter les charges de nos 13 employés et payer nos fournisseurs ».

RECOMMANDATIONS

Mais malgré leurs efforts d’adaptation, les défis auxquels les femmes font face restent importants et leurs besoins sont immenses. Dans le court terme, il est primordial de mettre en place des fonds d’urgence et de relance pour les coopératives de femmes et les femmes travaillant dans le secteur informel. L’octroi de prêts sans intérêt (ou à très faible intérêt), l’appui à la microfinance communautaire, l’accès au microcrédit avec des facilités de remboursement, le rééchelonnement des prêts et la révision des taux d’intérêts sont considérés comme nécessaires par les femmes pour la relance de leurs activités. Les autorités doivent adopter, si ce n’est pas déjà fait, des mesures sociales fortes comme la prise en charge des dépenses telles que l’eau et l’électricité et la diminution des prix des denrées alimentaires, voire la distribution de dons alimentaires. Le besoin en formation des femmes, que ce soit dans le secteur de l’entreprenariat ou dans les secteurs émergents comme le commerce numérique est également capital pour leur permettre de tirer des opportunités de cette crise. Enfin, cette crise illustre à quel point les systèmes de protection sociale font cruellement défaut en Afrique de l’Ouest. Leur mise en place doit constituer une priorité des gouvernements dans les mois à venir.

 

RÉALITÉ N°2 – Les femmes et les filles face aux difficultés d’accès aux services sociaux (EN SAVOIR PLUS)

RÉALITÉ N°3 – Les femmes et les filles face à l’augmentation de leur vulnérabilité et des violences basées sur le genre (EN SAVOIR PLUS)

Réalité N°4 – Les femmes et les filles face à la crise alimentaire (EN SAVOIR PLUS)

Réalité N°5 – Les femmes face à la faiblesse de leur représentation et participation dans les espaces de prise de décision (EN SAVOIR PLUS)

RÉALITÉ N°6 – Les femmes et les filles face au manque d’accès à l’information (EN SAVOIR PLUS)

RÉALITÉ N°7 – Les femmes face au poids des normes sociales (EN SAVOIR PLUS)

Présentation du rapport Les femmes ouest-africaines face à la Covid