Le jour où nous danserons : Victorine au Burkina Faso

Illustration de Victorine au Burkina Faso. Crédit : Sophie Le Hire

La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire

« Le jour où je vais entendre que cette maladie est finie, nous danserons. Les fusillades, nous avons pu fuir. Mais une maladie que le vent peut emmener, c’est très dur. »

Je m’appelle Victorine*, je viens du Centre-Nord du Burkina, du village de Dablo. Je fabriquais la bière de mil traditionnelle et brassée artisanalement, et cela me permettait de faire vivre toute ma famille. Je suis cheffe de ménage depuis le décès de mon mari et à la tête d’une grande famille. La première fois que des hommes armés ont fait irruption dans mon village, j’ai perdu 2 de mes frères et mon neveu. Les attaques se répétant, j’ai dû fuir comme les autres, je suis partie sans rien pouvoir emporter et aujourd’hui je n’ai plus rien.  

Nous sommes hébergés comme tant d’autres chez une famille hôte. On ne connaissait pas notre hôte, c’est notre bienfaiteur, sans lui je ne sais pas ce que nous aurions fait. La nourriture manque terriblement, je ne peux pas manger tous les jours, sans aide, je ne pourrai pas y arriver. On nous a parlé de la maladie de coronavirus. Cela a doublé notre peur. Vous savez que nous avons fui à cause des fusillades.  

Maintenant on a plus de problèmes. Quand nous sommes arrivés sur ce site, ça commençait à aller car nous avions commencé à sortir pour trouver à manger. Maintenant la COVID-19 s’ajoute ? C’est une double peur. Ce n’est pas la mort qui nous attend maintenant ? Tout a changé. On ne peut plus se regrouper pour la distribution des vivres. C’est devenu par appel téléphonique et les appels sont très lents. Je me suis reconvertie en ramasseuse de gravier. Je revends les tas pour pouvoir nourrir ma famille car les enfants comptent sur moi. Nous avons urgemment besoin d’eau car c’est le plus difficile. Lorsque je remplis même dix bidons d’eau ça ne peut pas faire la journée ; il fait chaud, on doit se laver, et boire et pratiquer l’hygiène. L’eau est notre urgence numéro un.  

Si la maladie finit et si le terrorisme finit, c’est la paix. Depuis notre enfance, nos parents nous ont dit que s’il y a une entente entre l’homme et sa femme, ils font des enfants bénis. En tant que femme, je conseille mes belles-filles, mes enfants, mes petits-enfants, pour qu’ils cultivent la paix et la cohésion sociale. J’aurais aimé être une agente de sensibilisation. J’irais faire le tour pour sensibiliser les jeunes, les femmes, sur l’importance de la paix. Dans un futur proche ou lointain, je me vois entourée de mes enfants qui ont réussis à l’école, qui m’amènent en voyage visiter d’autres pays, et moi respirant l’air de la paix. Mes enfants sont mon espoir car ils sont la source de ma vie. Et là je serai heureuse. On dit qu’un bon enfant est l’enfant de tout le monde, donc tout commence par l’éducation. Je demande aux autorités de trouver un remède à la maladie, car nous portons déjà le poids de notre vieille maladie, l’insécurité.  

Propos recueillis par Syntyche Ouedraogo, Oxfam au Burkina Faso. 

*Le nom a été changé pour protéger l'identité.

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                         « Derrière c’est les fusillades, devant c’est la maladie. On va faire comment ? »

*Le nom a été changé pour protéger l'identité.

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« Les femmes enceintes tombaient et se relevaient sans cesse. Nous avons perdu de vue nos enfants.  » 

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Introduction et processus de création