Le jour où nous danserons : Tedy au Mali

Illustration de Tedy au Mali. Crédit : Sophie Le Hire

La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire

« Je veux que mes enfants reçoivent une éducation digne de ce nom, qu’ils fassent aussi partie, un jour, de l'élite de ce pays. »

Je m’appelle Tedy, j’ai 40 ans, je suis malienne, native de la région de Mopti dans le Centre du Mali.   

A cause des violences, j’ai dû quitter mon village, et je vis aujourd’hui avec d’autres personnes déplacées qui ont connu le même destin, sur un site à proximité de la capitale.   

Avant le conflit, je vivais de la vente de lait et j’étais également coiffeuse. Je prenais soin de ma famille et je parvenais même à faire des économies.    

Mais un jour, les violences intercommunautaires devenant de plus en plus grave, nous avons été obligés de fuir, de quitter notre maison avec mes enfants, n’emportant que mon téléphone et l’habit que je portais. Nous avons dû faire une très longue route pour arriver à Bamako, contraints de passer par Ouagadougou et sommes restés plus de deux jours sans rien manger, je n’avais pas d’argent et sans l’aide d’une de mes filles qui travaille à la capitale, je ne sais pas ce que nous serions devenues. 

Je n’ai pas eu la chance d’étudier et le combat de ma vie, c’est que mes enfants puissent aller à l’école. Je ferai de mon mieux pour qu’ils deviennent les personnes les plus influentes de notre communauté et même du Mali ! L’accès à l’éducation est un droit pour chaque enfant. 

Peu  après  notre  arrivée  sur le site, j’ai été nommée Présidente des femmes déplacées car je parle la langue nationale Bambara, donc je peux facilement m’entretenir avec les autorités. C’était une grande responsabilité. J’ai beaucoup parlé avec les autres femmes et nous avons décidé de développer des activités afin de gagner notre vie. J’ai obtenu le soutien nécessaire pour que nous soyons formées à la fabrication de savons, de teintures, à la pratique du henné traditionnel et de la coiffure.   

A Bamako, il y a vraiment beaucoup de mariages et nous avons ainsi eu l’occasion de mettre en pratique ce que nous avions appris avec nos premiers clients. Comme d’autres, je suis mère de famille et je m’occupe seule de mes enfants. Au début j’avais commencé un petit commerce de condiments, ça marchait un peu, mais seule, avec mes enfants à gérer, je ne m’en sortais pas et j’avais dû renoncer. Ensemble, avec les autres femmes, c’est devenu possible.  

Malheureusement, avec la maladie à Coronavirus, toutes nos activités sont à l'arrêt. Nous espérons que cette maladie va vite passer pour que nous puissions reprendre notre vie en main. Ici sur le site, nous nous protégeons contre la maladie en respectant les mesures barrières édictées par les autorités sanitaires et nous avons reçus des kits de lavage des mains.   

J’ai du mal à imaginer l’avenir. Nous aimerions bien retourner chez nous mais le conflit persiste et nous avons peur de mettre la vie de nos enfants en danger. C'est pour eux que chaque jour je trouve le courage de me battre et d’inciter d’autres femmes à le faire aussi, nous avons le devoir de guider nos enfants sur le chemin d’un avenir meilleur. Dans mes rêves, ce chemin c’est l’éducation et je vais continuer d’y croire et d’espérer.   

Propos recueillis par Sitan Coulibaly, Oxfam au Mali. 

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* Le nom a été changé pour protéger l'identité.

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Introduction et processus de création