Le jour où nous danserons : Halima au Niger

Illustration de Halima au Niger. Crédit : Sophie Le Hire

La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire

« Les femmes enceintes tombaient et se relevaient sans cesse. Nous avons perdu de vue nos enfants. Les femmes et leurs maris se sont séparés. »

Je m’appelle Halima, suis mariée et je viens du Niger. J’ai mis au monde sept enfants, trois sont morts ; il me reste à présent 4 enfants. Nous avons quitté notre village à cause de l’insécurité qui y régnait.  

Tout a commencé il y a deux ans dans un village voisin appelé à Nzawt où un homme s’est fait tuer par des hommes armés. Puis, le fils du défunt est ensuite accusé d’être complice des militaires : il est à son tour enlevé et exécuté de sang-froid par les mêmes bandits.  En représailles, les militaires ont attaché tous les hommes du village de Nzwat et donné un ultimatum de deux jours à tous les villageois pour quitter les lieux sous peine de sanctions sévères. Il aura fallu le support de quelques hommes et femmes échappés pour délivrer les victimes. Hommes, femmes et enfants prirent la fuite la nuit même en direction de notre village, Tiliwa. 

Tous ensemble, nous avons vécu deux années dans la paix et la sécurité. Mais après l’horrible attaque de Chinagoder [le 9 janvier 2020], le camp militaire de Tiliwa, mon village natal, a été déplacé vers Ouallam dans la région ouest du Niger. Saisissant cette situation de vulnérabilité, des hommes armés ont donné l’ordre aux populations de Tiliwa de quitter immédiatement notre village sous peine de représailles, après avoir battu un jeune villageois à coups de cravache.   

Par peur de nous faire massacrer, nous nous sommes sauvés en pleine nuit en courant tous dans la même direction, emmenant avec nous nos enfants. Stressées et fatiguées de marcher, des femmes enceintes ont accouché en cours de route dans des situations d’extrême précarité.  En l’absence de médecin pour couper leurs cordons, les nouveaux nés ont dû être enveloppés dans des pagnes avant d’être pris en charge.  

Arrivée à Ouallam, nous avons été dirigés vers le site de personnes déplacées qui était déjà saturé de monde. Au tout début, nous recevions régulièrement de l’aide. Par contre les latrines sont en très mauvais état et elles débordent d’excréments, tandis que les animaux y ont accès, ce qui nous expose à des risques de maladies sévères.  

Nous sommes entassés par dizaines ou vingtaines dans des tentes et nos stocks de vivres sont presque épuisés.  Nous sommes donc obligés de vendre les feuilles de haricots pour le pâturage, piler des céréales ou vendre du charbon pour avoir au moins 100 francs (0,17 $) et nous acheter du gari**.  

Quand nous étions chez nous à Tiliwa, nous vivions bien et les femmes étaient très actives, nous exploitions nos jardins, et avions nos petits commerces, aujourd’hui nous sommes contraintes de vivre dans la misère parce que nos hommes sont incapables de nous donner de l’argent et nous ne pouvons rien y faire car ils n’en ont pas. 

Nous avons besoin dans l’urgence de plusieurs de choses pour nous sortir de la misère actuelle : des tentes, de l’eau, la nourriture, du savon mais aussi faire une activité lucrative telle que la couture, le petit commerce ou le travail manuel. 

Propos recueillis par Bintou Moussa, Oxfam au Niger. 

** Le gari est une farine de manioc  qui  entre dans la composition de nombreux mets en Afrique de l'Ouest.

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